Stadtboden

Les sols urbains : une ressource sous-estimée juste sous nos pieds

Densifier les surfaces habitables tout en mettant à profit les services rendus par le sol urbain représente un défi rarement relevé par les villes. L’augmentation des températures et des événements de pluie extrême lèvera le voile sur le rôle clé des sols en ville, prédisent les scientifiques.

La pédologie, la science du sol, est une science discrète. Ici, pas moyen d’exhiber des animaux en peluche pour appuyer l’urgent besoin de protéger les espèces, alors même que les êtres vivant dans le sol représentent jusqu’à un quart de la biodiversité sur terre [1]. Pour lutter contre la perte des sols fertiles et maintenir la biodiversité qu’ils hébergent, des instruments ont été créés à l’échelle européenne. Ces derniers visent à freiner l’expansion urbaine et à préserver les terres arables [2]. Paradoxalement, cette densification des surfaces habitables pourrait se faire au détriment des sols urbains, ce qui n’est pas sans conséquence pour la gestion de l’eau et du microclimat dans les villes.

Le sol contribue à satisfaire nos besoins vitaux, notamment en filtrant et purifiant l’eau, mais aussi en accueillant nos surfaces agricoles et en apportant les nutriments essentiels à la croissance des végétaux. En ville, il endosse également un rôle de régulateur en permettant l’infiltration et la rétention de l’eau. Le mitage urbain met à mal ce service, puisqu’il rend les surfaces imperméables et empêche l’eau de pluie de s’infiltrer dans le sol, qui est alors prise en charge par les réseaux d’évacuation des eaux. À cela s’ajoutent des réseaux d’évacuation des eaux mis au défi par l’augmentation des événements de pluie extrême et le risque accru d’inondations qui y est lié.

« Climatiseur » urbain

Réguler le microclimat et mitiger l’effet des îlots de chaleur, c’est-à-dire l’augmentation des températures en zones urbaines : voilà encore un avantage lié aux surfaces non scellées. D’une part, le sol transfère l’eau emmagasinée vers l’atmosphère (évaporation). D’autre part, les végétaux qui puisent l’eau du sol la rejettent via transpiration. Ces deux phénomènes contribuent à rafraîchir le climat ambiant et donc à réduire les îlots de chaleur [3]. Encore faut-il que le sol en question bénéficie d’une structure saine qui lui permette de retenir l’eau, c’est-à-dire d’agrégats stables et d’une porosité suffisante. Les forces de tassement exercées par exemple par des véhicules lourds mettent à mal ces deux composantes. La profondeur du sol est également un facteur crucial pour la rétention de l’eau. Dans les zones urbaines, elle est très souvent contrainte par des scellages souterrains comme les parkings.

Si les bienfaits du sol des villes sont multiples, les scientifiques constatent que la planification urbaine et les processus de densification qui en découlent ne les intègrent pas de manière explicite et les mettent en danger [4]. Pour preuve, une étude démontre que la densification tend à faire disparaître les zones vertes [5]. Nouvelle réjouissante : les sols urbains peuvent tirer parti des élans de protection de la communauté. Préserver les espaces verts autour de son habitat, choyer un jardin privé ou participer à l’entretien d’un jardin communautaire sont autant d’actions citoyennes qui luttent, certes modestement, contre le scellage des zones urbaines. En offrant des espaces de détentes et même d’agriculture urbaine, les zones vertes apportent une plus-value qui – on peut l’espérer – ne passe pas inaperçue auprès des décideurs politiques. Invisibles et muets, les sols urbains abritent un potentiel souvent ignoré dont pourrait considérablement bénéficier la planification des villes de demain.

Sources

[1]

Decaëns T, Jiménez J, Gioia C, Measey J, Lavelle P. The values of soil animals for conservation biology. European Journal of Soil Biology. 2006;42:23-38.

[2]

Oliveira E, Leuthard J, Tobias S. Spatial planning instruments for cropland protection in Western European countries. Land Use Policy. 2019;87:104031-43.

[3]

Deng C, Wu C. Examining the impacts of urban biophysical compositions on surface urban heat island: A spectral unmixing and thermal mixing approach. Remote Sensing of Environment. 2013;131:262-74.

[4]

Blanchart A, Séré G, Cherel J, Warot G, Stas M, Noël J, et al. Towards an operational methodology to optimize ecosystem services provided by urban soils. 2018;176:1-9.

[5]

Haaland C, van den Bosch CK. Challenges and strategies for urban green-space planning in cities undergoing densification: A review. Urban for Urban Green. 2015;14(4):760-71.

Autor*innen

Autor*in

Carole Imhof a étudié les Sciences et ingénierie de l’environnement à l’EPF de Zurich et est active dans le monde du journalisme depuis plusieurs années. Elle épaule reatch dans la mise en place d’une version française de son atelier de rédaction.

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