Ce texte est paru dans 'Le Temps' du 26 janvier 2024.
Jardin où germent de nouvelles idées, le projet Franxini cultive l’échange entre la science et la politique, élargissant ainsi le champ des solutions à proposer aux défis sociétaux actuels. Le projet Franxini s’inscrit dans la panoplie d’initiatives du think tank Reatch, qui s’engage pour promouvoir une culture favorable à la science et favoriser l’esprit pionnier, particulièrement chez les jeunes scientifiques. Il doit son nom et sa vision à Stefano Franscini, membre du premier Conseil fédéral suisse en 1848 et intermédiaire entre les milieux politiques et scientifiques. Tour à tour enseignant, statisticien, publiciste et finalement membre du gouvernement helvétique, il a notamment mis en place l’Office fédéral de la statistique, l’Ecole polytechnique fédérale (EPF) ainsi que la première administration fédérale, convaincu que les décisions politiques devaient se baser sur des analyses factuelles. Tout comme lui, le think tank Reatch pense que la science a un rôle crucial à jouer pour résoudre les défis collectifs et saisir de nouvelles opportunités.
Des idées novatrices pour les 175 années à venir
A l’occasion des 175 ans de l’Etat fédéral, le concours d’idées Reatch a lancé un appel à des solutions innovantes pouvant être intégrées dans la politique, l’économie et la société civile dans le but d’aider la Suisse à se préparer aux 175 années à venir. Plus de 60 idées ont ainsi été soumises à une évaluation. Cinq finalistes se sont retrouvéᐧes mi-novembre à Berne, où leurs idées ont été confrontées au public et à un jury composé de personnalités de premier plan de la politique, de la science, des médias et de l’économie: Martin Candinas (alors président du Conseil national, Le Centre), Larissa M. Bieler (directrice de Swissinfo.ch), Jean-Luc Barras (responsable de la division Recherche à long terme, Fonds national suisse, FNS), Katharina Gasser (directrice générale de Roche Pharma Suisse) et Luca Tratschin (coresponsable de la recherche nationale au Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation, Sefri). Il leur incombait de désigner l’idée la plus convaincante parmi celles relevant de l’avenir de l’approvisionnement énergétique, la politique migratoire, la santé mentale dans les villes, l’innovation démocratique et la permaculture robotique.
C’est avec cette dernière proposition que Yarik Kuznetsov, étudiant à l’EPF de Zurich, a remporté le premier prix. Son idée consiste à démocratiser la permaculture, technique de production agricole qui permet de régénérer les sols et favorise la biodiversité en imitant les écosystèmes naturels. En associant plusieurs plantes sur une même parcelle a contrario de la monoculture pratiquée dans l’agriculture traditionnelle, cette pratique vise à associer des espèces pour booster la production. Dans un environnement complexe, cette approche nécessite un besoin en main-d’œuvre accru. Afin de surmonter ces défis et de garantir la sécurité alimentaire, la solution préconisée consiste à automatiser ces opérations en utilisant des drones, des robots tout-terrain et des systèmes d’intelligence artificielle, capables de reconnaître chaque espèce de plante. Cette idée poursuivait Yarik Kuznetsov depuis déjà une année, et lorsqu’il a entendu parler du concours d’idées Reatch, il s’est lancé dans l’aventure.
Un programme de soutien pour concrétiser les projets sélectionnés
Mais qu’advient-il des idées primées une fois le concours remporté? Certains projets sélectionnés parmi cette pépinière de propositions bénéficient par la suite d’un programme de soutien intitulé «Franxini Innovation Hub», qui accompagne sur plusieurs mois la concrétisation de l’idée proposée. Si la sélection pour l’année à venir est en cours, trois projets ont été soutenus en 2023. Là aussi, la palette d’idées est large: faire face aux inégalités d’information induites par l’intelligence artificielle, mener des actions pour la prévention d’une nouvelle pandémie ou encore améliorer la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Ce dernier projet avait convaincu le jury et le public lors de l’édition 2022 du concours d’idées. La lauréate, Rahel Schmidt, est médecin assistante en gynécologie et obstétrique, et quand une idée lui tient à cœur, elle ne la lâche plus. Témoin des difficultés rencontrées par les victimes de violences sexuelles qui doivent aujourd’hui encore elles-mêmes organiser leur prise en charge par les différents interlocuteurs (police, justice, hôpitaux) en Suisse, elle propose que ce modèle de fonctionnement soit remplacé par une prise en charge centralisée. Celle-ci devrait gérer les différents processus, la collaboration entre tous les acteurs et distribuer les responsabilités entre les services, de manière que les victimes soient mieux accompagnées et la procédure légale facilitée.
La mise en place d’un accompagnement holistique des victimes d’agression sexuelle
Mais comment développe-t-on une telle idée? Selon Rahel Schmidt, une fois le problème identifié, il s’agit d’imaginer une solution idéale, puis d’en tirer une idée pragmatique concrète, plus adaptée à la réalité. Enfin, pour la réaliser, «il n’y a pas de formule magique», explique-t-elle. Il est essentiel de s’entourer des bonnes personnes, capables d’offrir du soutien et de faire preuve d’un esprit critique. Et c’est ce qu’elle a fait: toute une équipe interdisciplinaire s’active avec passion autour de son projet. Elle compte des spécialistes dans les domaines de la médecine, du droit et des sciences sociales et politiques. Durant l’élaboration de l’idée, l’équipe est entrée en contact avec de nombreux acteurs impliqués dans la thématique: victimes, ONG, fondations, aide aux victimes, pouvoirs législatifs cantonaux et fédéraux, personnel médical, justice et avocats, ainsi que des scientifiques. L’une des difficultés rencontrées dans le projet ayant été la prise de contact avec les services de la police, il demeure ainsi une pièce manquante au puzzle. Rahel Schmidt raconte que l’un des moments les plus enrichissants du projet a été l’événement où se sont rencontrées toutes les parties prenantes intéressées par cette initiative, et de sentir qu’elles étaient motivées à y participer et à la concrétiser. L’ensemble du processus a bénéficié du précieux soutien du programme Franxini Innovation Hub, qu’elle considère comme un «accélérateur d’implémentation d’idées». L’équipe de Reatch apporte ses compétences pour mettre en place, suivre et administrer le projet de manière professionnelle. «Reatch fait de ton projet un bon projet», assure Rahel Schmidt. Dès la fin janvier, un white paper (document présentant de manière détaillée un problème ou une solution) sera publié dans les trois langues nationales, et la future médecin a bon espoir qu’il sera utilisé et diffusé pour la mise en place d’une meilleure prise en charge des victimes de violences sexuelles par les cantons.
Quant aux idées du concours 2023, elles seront prochainement publiées dans un recueil avec une préface du conseiller fédéral Ignazio Cassis. Le think tank Reatch, se réjouit de fêter ses 10 ans cette année et prévoit à cette occasion plusieurs événements spéciaux. Tout le programme et autres informations sur Reatch peuvent être trouvés ici.
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