Ce texte a été initialement publié en allemand le 28 octobre 2019. Pour lire l'article original, cliquez ici.
Sur Radio SRF 1, j’ai eu l’occasion de discuter pendant une heure sur les expériences provoquant des contraintes sévères chez les animaux utilisés, leur utilité et aussi leurs limites. Pour écouter l’émission (en allemande), c’est ici. J’aurais eu encore beaucoup de choses à mentionner, à préciser ou à rectifier. Mais il y a un point que je trouve particulièrement important et que je souhaite donc consigner par écrit a posteriori.
L’entretien portait moins sur des cas concrets que sur une question de principe: l’expérimentation animale (provoquant des contraintes sévères) est-elle fondamentalement acceptable ou non? Et en principe, elle ne l’est pas. Si nous décidons uniquement sur la base de la contrainte infligée aux animaux, de nombreuses expériences seraient inacceptables, car notre droit, mais aussi nos normes éthiques, nous interdisent de faire souffrir les animaux. L’affaire est-elle donc réglée? Seulement si nous oublions l’autre plateau de la balance.
Ce que les personnes en bonne santé osent imposer aux malades
Même dans l’état actuel de la technique, il n’est possible de renoncer complètement à l’expérimentation animale que si nous sommes prêts à renoncer à nombre d’avancées scientifiques et de progrès médicaux. Certains opposants à l’expérimentation animale disent qu’ils y sont prêts. C’est ce qu’ont aussi dit un auditeur et une auditrice qui ont pu s’exprimer pendant l’émission. Ils ont justifié leur refus de l’expérimentation animale entre autres par le fait que toute vie a une fin et qu’il n’est donc pas justifié d’utiliser des animaux dans la recherche pour prolonger la vie ou guérir des maladies.
Auditeur 1: «Pour ce qui est de moi, je pense que tout vie a une fin et quand le moment sera venu pour moi, il sera venu. Peu importe la raison.»
Auditrice 3: «Nous ne sommes pas faits pour vivre jusqu’à 120 ans. Alors si on n’a plus de médicaments quand on est vraiment très vieux, ce n’est pas très grave. Je pense qu’on pourrait un peu plus laisser faire la nature.»
Le problème, c’est que je peux choisir de renoncer ainsi pour moi, mais je ne peux pas en décider pour mes concitoyens malades. Ce n’est pas parce que j’ai eu jusqu’à présent la chance de vivre à peu près en bonne santé que je peux faire l’impasse sur la souffrance d’autrui. Lorsque je pèse les intérêts, je dois tenir compte de cette souffrance tout autant que de celle des animaux.
Les personnes qui trouvent scandaleux d’oser mépriser les besoins des animaux devraient tout autant trouver scandaleux que les personnes en bonne santé osent mépriser les besoins des malades. C’est là que réside le dilemme fondamental de l’expérimentation animale: nous ne voulons faire souffrir ni l’animal, ni l’être humain, mais nous avons besoin d’animaux de laboratoire pour soulager les souffrances humaines. Dans un texte plus ancien paru sur «Vice», j’ai essayé de décrire plus précisément ce dilemme et je suis ouvert aux critiques sur le contenu!
Post-scriptum
J’aimerais corriger une chose dite pendant l’émission de radio: les protocoles et résultats de votation de la commission sont accessibles au public (j’avais dit: secrets), car le canton de Zurich applique le principe de la transparence. Cependant, chaque demande est examinée pour décider si des intérêts privés empêchent de divulguer le résultat. Les protocoles ne révèlent en revanche jamais qui a voté et comment, ceci fait partie du secret de la commission.
Post-post-scriptum
Le jour suivant l’entretien radiophonique, le sujet est revenu brièvement dans l’émission «Espresso» sur SRF 1. Il s’agissait de savoir comment se déroule le processus de demande et d’autorisation lorsque nous voulons développer un nouvel antibiotique vital. Ma réponse: exactement le même que pour d’autres expériences sur animaux.
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